
DU (SECOND) SEXE ET DU POUVOIR
L’année écoulée a pour le moins été contrastée en ce qui concerne l’avancée des droits des femmes mais aura eu le mérite de reposer la question des rapports homme/femme et de relancer le chantier de l’égalité réelle.
L’ « empowerment » au féminin, concept recouvrant la prise de pouvoir dans l’ensemble des domaines, politique mais aussi social et psychologique, est une thématique en vogue, et suggère en creux tous les défis qui restent à relever pour la gente féminine… comment (re)prendre possession de son destin de femme, dans tous les domaines : en votant pour qui ? en choisissant quelles études et quelle carrière ? en demandant quel salaire ? en choisissant d’avoir (ou pas) des enfants et à quel moment ? en choisissant librement sa tenue, mini-jupe décolleté ou jeans-baskets ? … bref, en étant un Homme au sens de la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen, à part entière, et non une représentante du second sexe, dans une société encore et toujours dominée par le mâle.
SEXE, POUVOIR ET POLITIQUE: Outre-Atlantique, l’élection (par 42% des voix féminines), d’un président notoirement misogyne, accusé d’agressions sexuelles, et la cinglante défaite de sa concurrente féminine, auront marqué le début d’une série de retours en arrière pour les droits des femmes. Malgré le mouvement des Pussy Hats[1], salué dans le monde entier, qui défilaient dans les rues de Washington en scandant « Not my president » pendant sa prestation de serment, Donald Trump a inauguré son mandat en coupant les financements publics des plannings familiaux et en restreignant l’accès à l’avortement, ouvrant la porte à son interdiction future par la nomination à la Cour Suprême d’un juge « pro-life »… Une sorte de coup d’Etat d’un homme sur le corps féminin, qui a entraîné à sa suite le vote de lois restrictives du même acabit dans 22 Etats. Ce sont les suffragettes qui ont dû se retourner dans leurs tombes !
#METOO : c’est un véritable séisme qu’a provoqué l’affaire Harvey Weinstein, qui a entraîné dans son sillage la chute de figures célèbres, sous les slogans viraux #metoo et #balance ton porc. Et pas que dans le monde du cinéma. Quelle que soit l’opinion que l’on ait sur le recours à Twitter dans de telles circonstances, il est indéniable qu’une vanne s’est ouverte, et qu’une parole s’est libérée, et ce en dépit de la banalisation habituelle de comportements sexistes subis dans le silence au quotidien. Le pouvoir a soudainement changé de camp, et si des controverses ont éclaté au sein même de la communauté féminine entre les tenantes de la « liberté d’importuner » et les partisanes du droit à ne pas l’être, chacun a pu mesurer l’ampleur du phénomène et les ravages du harcèlement sexuel dans le monde professionnel. Ainsi, 80% des femmes estiment être régulièrement confrontées à des comportements sexistes et 20% de femmes actives déclarent avoir fait face à une situation de harcèlement sexuel au cours de leur vie professionnelle.
Si les feux des projecteurs se sont tournés vers des personnalités du monde du cinéma qui ont décidé de révéler leur statut de victime, il ne faut pas oublier toutes ces femmes, qui, dans l’ombre, sont victimes de telles violences. Partout, sur les théâtres de guerre, le viol est utilisé comme arme de destruction massive : pour n’en citer que deux exemples actuels, au Mali, où les viols systématiques s’accompagnent de mutilations sexuelles et de meurtres barbares, ou encore en Syrie où la population féminine fait l’objet de viols systématiques en guise de représailles. Plus près de nous, en France, l’enquête VIRAGE[2] a révélé qu’au cours de sa vie, 1 femme sur 26 est violée, 1 sur 7 est agressée sexuellement et que dans les 12 mois précédant l’enquête, plus d’un demi-million de femmes a été victime d’une agression sexuelle autre que le viol. L’enquête a également établi que les violences sexuelles concernent majoritairement les femmes.
Là encore, le sexe dévoyé est utilisé comme instrument de domination masculine, et rappelle que la vraie question reste celle de la permanence d’un schéma institutionnel qui dessert la femme en lui imposant une répartition des tâches inégalitaires (80% des femmes assurent les 2/3 des tâches domestiques), en poussant un bataillon de femmes vers les emplois précaires ou les cantonnant dans des postes sous-dimensionnés ou sous-payés (80 % des salariés ne gagnant même pas le SMIC sont des femmes, les 2/3 des emplois à temps partiels sont occupés par des femmes). Dans ce condition, comment briser le plafond de verre? Dans la mesure où elles restent largement minoritaires dans les instances dirigeantes en entreprise (alors qu'elles représentent désormais 60 % des diplômés de l'enseignement supérieur, les femmes ne totalisent que 11 % des cadres dirigeants), tout comme en politique (29% de sénatrices et 38,7% de députées actuellement) leur faible nombre ne permet pas d’inverser la tendance à leur profit.
Heureusement, dans ce sombre tableau, des femmes portent haut le flambeau de l’égalité et se battent pour la cause féminine chacune à leur manière.
DES FEMMES PUISSANTES ET INSPIRANTES : pour la première fois, le 48e forum économique de Davos a confié sa présidence à sept femmes, toutes unanimement saluées pour leurs compétences dans des domaines variées : Christine LAGARDE, présidente du FMI, Isabelle KOCHER, Directrice générale d’ENGIE (seule femme à diriger un groupe du CAC 40), Fabiola GIANOTTI, à la tête du CERN depuis 2016 et surnommée « la Reine des particules », Cheta GALLA SINHA qui a reçu en 2017 le prix du leadership décerné par Forbes India pour la création de la Mann Deshi Mahila Sahkar : un organisme spécialisé dans le financement des entreprises des femmes vivant dans les zones rurales, Sharan Burrow, directrice générale de la Confédération syndicale internationale, la première organisation syndicale au monde en termes d'affiliés et d'adhérents, la Première ministre norvégienne, Erna Solberg surnommée « Erna de fer », et Virginia Rometty, présidente d’IBM chez qui elle a fait toute sa carrière et classée en 2017 au 10e rang des femmes les plus puissantes de la planète. A cette occasion, Jack Ma, fondateur d’Alibaba, a estimé que les femmes étaient la clé de la réussite d’une entreprise, en raison de leur quotient émotionnel élevé (sic). Si le propos paraît un peu simpliste, Alibaba fait figure de modèle dans la mesure où l’entreprise emploie 47% de femmes et que 33% des postes hiérarchiques sont occupés par des femmes.
Dans une société chinoise longtemps dominée par le modèle matriarcal, la politique de l’enfant unique et le rôle des grands-parents dans l’éducation des enfants ont eu pour conséquence que les filles ont été élevées pour réussir et ont bénéficié d’un large accès à l’éducation, puis d’une grande disponibilité au travail, ce qui a permis à la Chine de compter aujourd’hui le plus grand nombre de milliardaires femmes ne devant leur fortune qu’à leurs compétences professionnelles. En effet deux-tiers des « self-made women » milliardaires en USD sont chinoises. Dans le top 10 des femmes les plus riches du monde, les huit premières sont chinoises. La citation de Mao Zedoung « Les femmes portent la moitié du ciel » résonne plus fort que jamais dans l’Empire du Milieu.
La Ruche, depuis sa création, œuvre pour la cause des femmes en leur offrant un espace d’accompagnement professionnel, bienveillant et guidé par l’entraide. Cette année encore, les Rencontres mensuelles auront été l’occasion de partager des parcours de femmes passionnants et inspirants, démontrant s’il en est besoin, qu’être une femme ne peut qu’être un atout ! Dans les mois à venir, l’association vous accompagne dans tous vos projets et enrichit encore son offre de formation pour coller au plus près des préoccupations et des besoins des Ruchettes.
[2] Pour Violences dans les Rapports de Genre, étude menée en 2015 par l’INED (Institut National des Etudes Démographiques) dont le rapport a été publié en 2016