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12 Oct : Rencontre avec Chloé Reuter, partenaire fondatrice & Vice-Chair, GUSTO COLLECTIVE

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Chloé Reuter a pris le parti il y a onze ans de travailler en avançant les valeurs de bonté, de générosité et de curiosité.  Co-fondatrice de Gusto Luxe, elle vit à Shanghai depuis 2004 et dirige présentement une centaine de collaboratrices et collaborateurs avec les valeurs qui lui sont propres.
Cette rencontre de La Ruche nous a fait decouvrir l'univers de stamina optimiste et de confiance contagieuse qui permettent à cette entrepreneuse d'abattre « gentiment » une à une toutes les limites qu'elle rencontre.
Passionnée depuis toujours par les médias et la communication, Chloé saute le pas en 2010 et crée sa propre entreprise - l’agence agence Reuter Communications est née. Dix ans plus tard, l’agence emploie près d’une centaine de talents, dans quatre bureaux (Shanghai, Hong Kong, Singapore et Londres) et travaille avec certaines des plus grandes marques de luxe.
Petite, Chloé se rêvait à la télévision, reporter de guerre ou encore secrétaire générale à l’ONU.
« Être un peu naïve a probablement été la meilleure chose qui m’ait aidée : je pensais que tout irait bien même comme c’était très difficile »
Née à Bruxelles, Chloé a déménagé avec sa famille à Hong Kong à l’âge de 14 ans. Elle est tombée complètement amoureuse de la Chine, de la langue et de sa culture. Après le lycée, elle a étudié durant quatre ans le chinois classique et le japonais à l’Université du peuple à Pékin (Beijing People’s University).
Elle a ainsi travaillé pendant plusieurs années pour Reuters et Bloomberg TV en tant que productrice basée à Tokyo. Elle se levait à 3 heures du matin tous les jours pour être au bureau à 4 heures ! Chloé a vécu ce rythme de folie pendant quelques années, et a découvert par la suite que créer sa propre entreprise demande une tout autre forme de résilience !
Après avoir travaillé chez DDB pendant quatre années, elle crée REUTER COMMUNICATIONS. Aux débuts, elle faisait toute seule : c’était un véritable challenge. Aujourd’hui, l’agence a grandi et elle a su trouvé des talents pour gérer ce qu’elle ne sait pas faire, et peut se concentrer maintenant sur ce qu’elle aime : la vision du business et la stratégie d’évolution.
« Let's just be kind and try our best »
Elle se dit « probablement embêtante » avec ses collègues, car elle est consciente qu’elle exige beaucoup. Chloé accorde énormément d’importance à la culture de l’agence et aux valeurs personnelles apportées au business. « L'idée de valeur qu'on apporte quand on crée une boîte est essentiel, c’est ce qui fait notre ADN, ce qui nous différencie ».
Pour elle, « la gentillesse est non-négociable ». C’est la chose la plus importante et la plus simple du monde : on traite les autres avec respect, comme l’on aurait envie d’être traité. Elle attend de ses équipes, mais également de ses clients, qu’ils travaillent en collaboration est avec bienveillance.
La « kindness » n’est pas très appréciée dans le monde des affaires, et encore moins dans le milieu des agences de luxe en Chine. « C’est un véritable problème en Chine, les clients se croient tout permis : des réclamations et des délais impossibles, aucune politesse, jamais un merci... »

 Pourtant être gentil n’induit pas de se laisser mal traiter : Chloé est intransigeante. Elle s’est déjà séparée de plusieurs clients allant à l’encontre de ses valeurs. Il est essentiel de montrer à nos employés qu’on les préserve.
De même, il est important de trouver la balance entre être gentil et être juste. « Parfois je peux être tough, mais il y a une façon de le faire, toujours dans le respect ».
« Je crois au karma. La gentillesse nous revient toujours, et le karma croquera les fesses de ceux qui n’ont pas su être gentils »
Chloé est aujourd’hui très fière d’avoir affirmé la réputation de l’agence sur cette notion de bienveillance. Il est important de garder du recul sur ce que l’on fait « on aide des marques à vendre plus de jolis sacs ou de belles chambres dans des hôtels, on ne sauve pas des vies, soyons humbles et essayons de faire le meilleur travail possible ».
Après la crise de la COVID-19, la Chine s'est relevée au bout de quelques mois, et toutes les marques ont misé sur le marché chinois. Grâce à la pandémie, les entreprises considèrent la Chine autrement aujourd’hui.
« La plupart des gens que je côtoie sont des hommes européens blancs, en costume gris qui séjournent au Puli pendant deux jours et disent comprendre la Chine. Il y a une arrogance dingue dans le secteur du luxe ».
Aujourd’hui, Chloé espère un monde du luxe plus gentil, plus démocratique.
Chloé travaille beaucoup au feeling. Pour le rachat de l’agence l’an dernier, elle cherchait un partenaire qui apprécie ce qu’elle a bâti. Le groupe GUSTO Collective a su montré son intérêt. Ce rachat est l'occasion de rejoindre un groupe fort dans d’autres domaines : beaucoup plus présent dans le digital. « C'est tellement intense de construire un business. C'est lourd d'avoir son nom sur la porte. Le trajet n'est pas fini, mais c'est différent. Il est essentiel d’évoluer, constamment ».
« Il ne faut pas avoir peur de trouver des gens plus fort, plus talentueux, plus intelligents, plus brillants que nous»
Avant Reuter Communications, Chloé n’avait jamais géré une boite ou géré du staff. Nick, son business partner, finit par rejoindre l’aventure de l’agence au bout de cinq ans. « Je n’ai pas d’ego, j’ai pris avec moi des gens biens pour m’accompagner dans cette « journey » assez folle »
Si Chloé est vison strategist, Nick est plutôt dans l’opérationnel, « l’operation excellence ». Le duo marche très bien, mais se disent toujours les choses en cas de désaccord.
Chloé a également était très soutenue par sa mère, psychologue pour enfant, qui lui a toujours répété qu’elle pourrait faire ce qu’elle voulait tant qu’elle s’en donne les moyens. Seul hic, ses parents ne sont pas entrepreneurs et ont pris peur face aux ambitions de leur fille. Ils n’ont pourtant pas cessé de l’épauler à bâtir ce rêve énorme tout au long ces dix dernières années.
Un autre pilier dans la vie de Chloé n’est autre que son mari. Il y a 17 ans, Chloé fraichement arrivée à Shanghai un dimanche, rencontre celui qui deviendra son mari le jeudi suivant. Sans lui, elle aurait abandonné son projet mille fois. Il a également rejoint l’aventure et accompagné l’agence dans son rachat par le groupe Gusto l’an dernier.

 « Il est important de cultiver sa mental health »
Il est difficile d’être un couple d’entrepreneurs, qui plus est dans la même entreprise. Chloé chérit le temps hors du travail, avec sa famille. Il est important de maintenir un équilibre. Elle a ainsi récemment créé la Reuter Academy au sein du bureau, autour de quatre piliers : leadership training, skills training, fun, et wellness, offrant ainsi à ses équipes des moments de déconnexion, un suivi de carrière en interne, et une formation in-house dans certains domaines.
Aussi, en tant que véritable « news junkie » et fascinée par les médias depuis toujours, Chloé se fait livrer le New York Times tous les matins et écoute de nombreux podcasts. Elle recommande notamment How I built this, qui interview les meilleurs entrepreneurs du monde.
« Ce qu’on perçoit et la réalité sont toujours très différents »
Pour être entrepreneur, il ne faut jamais avoir peur de poser des questions, de demander de l’aide. « Take the high road and be kind ». On trouve en soi une résilience énorme. Il faut se surpasser et y croire.
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