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4 juin 2019 - Rencontre avec Christèle Voulaz, Greater China Merchandising Director chez Hermès

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Dans les salons feutrés du Kee Club, sur la Huai Hai Road à Shanghai, la Ruche a invité le 4 Juin 2019 une grande dame de la maison Hermès, Christèle Voulaz. Arrivée simplement à la porte des Twin Villas en bicyclette, on la retrouve plus tard installée sur un tabouret haut, rayonnante, le micro à la main, habillée d’un chemiser en soie vert imprimé, d’un pantalon et de baskets, décontractée et chic à la fois. Elle semble hésiter, puis nous confie qu’elle a beaucoup réfléchi avant venir partager son parcours… pas si aventureux. Elle a accepté parce que c’est Juliette.

 

Dans les salons feutrés du Kee Club, sur la Huai Hai Road à Shanghai, la Ruche a invité le 4 Juin 2019 une grande dame de la maison Hermès, Christèle Voulaz. Arrivée simplement à la porte des Twin Villas en bicyclette, on la retrouve plus tard installée sur un tabouret haut, rayonnante, le micro à la main, habillée d’un chemiser en soie vert imprimé, d’un pantalon et de baskets, décontractée et chic à la fois. Elle semble hésiter, puis nous confie qu’elle a beaucoup réfléchi avant venir partager son parcours… pas si aventureux. Elle a accepté parce que c’est Juliette.

Elle entame sa présentation en nous racontant de façon sincère son enfance à la campagne, et l’influence de son Papa cultivateur. Avoir grandi dans un hameau et être propulsée dans une ville de 25 millions d’habitants, c’est une gageure pour une première expatriation en famille.

L’interview commence devant une salle comble. Soixante-dix Ruchettes sont installées le verre à la main, dans des fauteuils et canapés style années 20, recouverts de velours rouge. Les lustres et portraits forment un cadre idéal pour cette interview. Elles sont aux aguets, prêtes à connaitre quelques anecdotes sur une maison fondée en 1837, qui fait rêver le monde entier.

Comment passer de ces produits primaires de la campagne aux produits de luxe ?

Pour Christèle l’important est que « ce soit essentiel et que ça fasse sens ». Après des études de commerce, elle travaille quelque temps dans l’ingénierie, puis chez Toshiba, où elle ne se plait pas. Puis un jour, son ancienne école fait mention de la Maison Hermès.  Plutôt qu’un entretien classique on lui parle de son projet de vie, lui demande si elle sait dessiner…. A 21 ans, elle répond avec sincérité. Elle sent qu’elle est dans une entreprise pas comme les autres. Elle y va à l’instinct en acceptant ce premier poste. Elle ne sait pas alors qu’elle y restera plus de 27 ans.

Les valeurs le long de cette carrière ?

« Le sens du travail bien fait, qui vient de mon éducation, et l’esprit familial », dit-elle qui vient d’une famille nombreuse. L’entreprise Hermès à l’époque emploie 3 000 personnes. Aujourd’hui, elle fait dix fois plus de chiffre d’affaires avec 5 fois plus de salariés. Elle est en phase, dans une Maison qui respecte le temps. « Le temps est une valeur, comme la confiance et la tradition », dit-elle.

Evolutions de poste

Elle commence comme assistante commerciale, puis rejoint le département Duty Free, et la Direction commerciale France, en passant par l’administration des ventes. Aujourd’hui elle travaille en merchandising, dit-elle humblement. (On apprendra plus tard qu’elle est Directrice Merchandising sur la zone Greater China, et assure les achats pour 40 points de vente).

Sur un marché mature, elle avait pour mission de trouver de la croissance. « Le merchandising c’est le principe de faire des prévisions sur une base d’assortiment. Mais chez Hermès c’est différent. « Tout est différent chez Hermès ! » dit-elle en souriant. L’entreprise c’est 14 métiers, deux podiums par an, 300 magasins. Contrairement aux autres modèles Retail qui sont organisés sur un flux poussé, chez Hermès c’est un principe de flux tiré. Ainsi les produits sont fabriqués une fois la commande passée par le directeur de magasin.

 Elle travaille sur la stratégie, les budgets de ventes, la supply chain, etc. Grâce au succès de ses résultats, le groupe lui propose de continuer à développer ces activités dans d’autres pays en particulier l’Europe « une mosaïque de pays qui ne se ressemblent pas ». Ce qu’elle aime c’est l’opérationnel. On comprend que c’est une femme de terrain, curieuse, qui aime prendre des risques, et apprendre sans cesse.

 

Pourquoi être restée toutes ces années ?

« J’aime faire ce que je n’ai jamais fait avant », dit-elle. Elle travaille sur tous les projets nouveaux, tel que le premier site internet du luxe en France en 2004. C’est une maison intéressante, pleine de projets, qui crée des « produits merveilleux ». « Tout est beau de l’histoire, de la création au savoir-faire en passant par la matière ». « Quand on découvre un Japonais passionnant qui a travaillé un produit depuis 25 ans, c’est magique ». « On cherche toujours le mouton à 5 pattes chez Hermès », nous confie-t-elle enthousiaste.

Et les enfants ?

Elle a eu la chance de vivre dans un contexte porteur, et dans une maison qui marche bien. Elle a sans cesse envie d’apprendre et n’hésite pas à accepter les nouveaux challenges, malgré la charge de famille. A chaque nouveau poste elle a senti de la part du groupe un respect de son équilibre. On lui offre son premier poste d’encadrement après avoir eu sa première fille, puis un nouveau poste au moment où elle attend son deuxième enfant. De même pour le troisième. L’entreprise sait intégrer les paramètres familiaux des employés, de façon respectueuse, comprend-on à travers son témoignage. Une valeur rare de nos jours.

Alors la Chine ?

L’entreprise lui offre « un poste génial » en Chine. Elle en discute avec sa famille, qui est tout d’abord négative. Ils pensent à la pollution, aux problèmes sanitaires. Après trois semaines de discussion en famille elle accepte, mais c’est trop tard. Un an plus tard elle est rappelée. On est en 2014.

« La première année est compliquée. Les surprises ne sont pas là ou on les attend », avoue-t-elle. Sur le plan personnel « on se demande comment on va s’organiser », c’est une première expatriation. Sur le plan professionnel elle pense que ça ira, qu’elle connait bien la Maison. Arrivée en poste tout le monde est accueillant, mais ils démissionnent tous le premier jour. Elle affronte des obstacles et déconvenues, apprend une autre culture… et garde le sourire « La première année en vaut trois ! ». Aujourd’hui elle avoue sans retenue qu’elle est ravie d’être en Chine et juge cette expérience incroyable.

D’où tu as puisé ta force pour réussir comme ça ?

Elle se replonge dans son enfance pour trouver sa réponse. « Quand on vit à la campagne on est solide. On a besoin d’être malin et autonome », dit-elle. « L’énergie vient de la liberté. J’adore la Chine, ici tout est possible et rien n’est possible… en même temps, le résultat dépend de soi. ».

Questions de l’audience

Est-ce que tu te verrais changer de métier de nouveau ?

« Oui bien sûr, cette maison évolue, le digital se développe beaucoup, de nouveaux comportements Retail arrivent », dit-elle. Elle se voit bouger et changer de poste, mais toujours chez Hermès.

Où sont les sites de production ?

Toute la production maroquinerie et soie est en France dans des sites de moins de 300 artisans. Chacun réalise son sac. On comprend que ces contraintes expliquent les prix, et les listes d’attente. Le Prêt à porter et les chaussures sont fabriques en Italie, la bijouterie et les montres en Allemagne et en Suisse.

 « Pour réussir il faut avoir un mentor, mais quand on arrive à un niveau où les postes à créer n’existent plus, ça prend un peu plus de temps ».

La croissance ? tu as vu l’entreprise grandir….

« Cette Maison a réussi grandir sans grossir, en respectant ses valeurs. Par exemple en maintenant les artisans maroquiniers au cœur de l’entreprise comme à Pantin ou au Faubourg. »

« Monsieur Jean Louis Dumas était un commerçant, visionnaire et créatif. Il a vraiment porté la Maison ». Tout salarié est respecté tant qu’il est légitime dans son propos.

Chez Hermès « On ne fait pas un produit parce qu’il va plaire. Il n’y a pas de marketing chez Hermès. Chaque produit est juste ». Et cette approche parle à ses valeurs personnelles.

Est-ce qu’il y a un produit qui ne marche pas, et comment la maison vit l’échec ?

Chez Hermès il y a 14 métiers, 25000 références par podium. « Certains fonctionnent moins, mais ils n’ont pas moins de valeur pour autant. Certains produits sont même fabriqués à l’unité ou à moins de 10 exemplaires ».   On en conclut que la notion de succès commercial n’est pas la même pour Hermès, et que cette Maison se démarque des autres maisons de luxe.

La soirée se termine par un cadeau offert aux personnes présentes : Un échantillon du nouveau parfum Twilly.

Merci Christèle d'avoir accepté notre invitation !

Merci Sabine Ichikawa, qui a écrit l'article, d’après la retranscription de l’interview.

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