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20 janvier 2016 – Sandrine Zerbib – fondatrice de l’agence de conseils en management et marketing Full Jet et ancienne Présidente adidas Grande Chine

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Nous avons eu le grand plaisir de recevoir à La Ruche Sandrine Zerbib, fondatrice de l’agence de conseils en management et marketing de Full Jet et ancienne Présidente adidas Chine.

A travers son parcours, nous avons découvert la genèse et le développement de la marque adidas en Chine puis la création de Full Jet en tant qu’entrepreneuse, mais surtout comment, pour réussir, Sandrine a évolué avec succès dans sa carrière suivant le principe: «  Comprendre ce dont on a besoin pour prendre du plaisir à ce que l’on fait. »

Un début de vie professionnelle en France coïncidant avec les aléas de la reprise de la marque adidas

Apres science-po et une agrégation en littérature anglaise, Sandrine n’était pas prédestinée à partir vers la Chine. Mais les hasards de la vie comme certaines circonstances professionnelles font qu’elle s’y expatriera et y habite maintenant depuis 22 ans.

Ses diplômes en poche, Sandrine commence à travailler aux AGF au moment où les AGF, alors au capital de Bernard Tapie Finance (BTF), décident d’aider BTF à financer le rachat d’adidas . Le dossier adidas devient vite compliqué. Au cours de l’été suivant l’acquisition, les circonstances politiques et économiques sont difficiles et Sandrine se retrouve catapultée dans l’univers adidas, en charge de trouver des solutions financières au dossier. C’est à cette occasion qu’elle rencontre Robert Louis-Dreyfus, qui rachète adidas en 1993.

Une première expérience entrepreneuriale et le départ en Chine avec adidas

En 1993, Sandrine quitte les AGF pour créer avec un partenaire sa propre structure de conseil en ingénierie financière. Plusieurs clients leur font confiance, notamment adidas par l’entremise de Robert Louis Dreyfus. Une des premières missions confiée par adidas est d’évaluer le potentiel du marché chinois pour la marque, et Sandrine se rend en Chine à plusieurs reprises.

Elle se retrouve très seule, dans cet immense pays dont elle ne connaît rien, à devoir analyser comment développer du retail en Chine dans le secteur du sport. Deux domaines qui lui sont complètement étrangers.

Pourtant, malgré les difficultés, elle sent qu’il y a quelque chose dans l’air et que la Chine est à un tournant. Elle sent que « c’est là que ça se passe » et décide de proposer à adidas de prendre en charge le développement de la marque en Chine.

A la question « Est ce que vous voulez que je monte votre filiale en Chine ? », adidas parie sur Sandrine et lui confie la mission.

adidas CHINE, une aventure exceptionnelle. 

1995 – L’aventure des débuts:

A l’époque, ADIDAS est un beau nom, une belle marque, mais qui n’a plus complètement le vent en poupe et bénéficierait d’une nouvelle impulsion. Le groupe, qui est encore sous le modèle de l’entreprise familiale, n’a pas encore la vision internationale ni les structures de fonctionnement qui peuvent permettre un réel développement hors de son premier marché.

La priorité du groupe est tout d’abord de reconstruire l’image de la marque et ensuite de reprendre en main les structures de distribution. L’ouverture d’un marché en Chine est bien loin dans l’ordre des priorités.

Les obstacles en Chine sont également présents. En 1995, les contraintes légales y sont fortes, il n’est possible de distribuer que les produits fabriques en Chine par adidas, ce qui ne correspond pas au schema de production du groupe. Adidas ne souhaite ni entrer dans une JV ni monter sa propre unité de production en Chine, , ayant été traumatisé par des fermetures d’usine en Europe.

Les problèmes de recrutement sont nombreux, les mentalités chinoises difficiles d’approche et le niveau de vie encore trop faible pour atteindre une masse critique intéressante..

Malgré les obstacles, Sandrine a le sentiment d’être là où les choses vont se passer.

Elle qui n’est pas une sportive mais bénéficie d’une grande énergie, débute en Chine sans a priori, avec une fraicheur de regard qui va rendre plus aisée et créative la prise de décisions et la recherche de solutions. Même si les débuts sont difficiles, le domaine du sport se révèle passionnant : « travailler dans le domaine du sport c’est avoir le doigt sur le poult de la société».

1997-2003 Une belle réussite :

En 1997, la structure légale d’adidas en Chine se rationnalise et devient une WFOE. La marque se dote dans le même temps d’une petite usine en Chine. La nouvelle organisation legalefacilite la marche de l’entreprise. Le recrutement est plus aisé et Sandrine peut s’entourer d’un staff plus solide. Les choses vont bien mieux.

Au milieu des années 1990, il se trouve très peu de marques sur le marché et les Chinois leur marquent un intérêt certain. Plus de 30% de l’habillement à cette époque est acheté dans le domaine sportif, ce qui est très important. Sandrine s’emploie à doter adidas d’un réseau de franchise performant et la marque réalise de très beaux profits.

En 2003, une nouvelle augmentation de la croissance booste les ventes, et en dix ans, adidas CHINE devient la plus grosse filiale après les Etats Unis et de loin la plus profitable.

Les clés de cette réussite pour Sandrine ont été :

  • Une obsession de la légalité et de la clarté des structures ;
  • Le positionnement : voir en grand la marque et affirmer ses ambitions, et surtout garder un grand ancrage sportif pour ne pas se diluer dans la mode ;
  • Des produits de qualité : les Chinois peuvent mettre l’équivalent d’un mois de salaire dans une paire de chaussures, hors de question de leur vendre le bas de la gamme. Il faut leur vendre les produits qui les font rever ;
  • Une gestion intelligente de la croissante, accompagnée par un travail sur les process et une analyse fine des data ;
  • Une gestion d’équipe qui permette de s’adapter aux phases de croissances : il faut embaucher des profils qui pourront évoluer ;
  • Et bien sur énormément de travail et d’énergie, à base de 18 heures par jour dans les divers secteurs de l’entreprise, pour la connaitre sur le bout des doigts.

Quand on est en adéquation avec ce que l’on aime faire, même avec des phases de solitude ou d’incompréhension de l’environnement, alors on goute avec bonheur à une vraie satisfaction de la réussite.

2003- 2006 : l’expansion

Sandrine engrange le fruit de son travail, avec une expansion remarquable du réseau. Les équipes grandissent, adidas peut et sait attirer des talents.

Sandrine à cette époque aussi rencontre son futur mari, chinois. Elle sera moins seule dans ce grand pays étranger. 

2006 La réinvention professionnelle après adidas :

En 2007, Sandrine quitte adidas. Le groupe a changé et son rôle a évolué, plus proche du managérial, elle s’éloigne de l’opérationnel, et bien que sa position reste intéressante, le travail est moins excitant. Elle sent qu’il serait peut-être temps de sortir de sa zone de confort, même si après 13 ans, elle n’a aucune envie de quitter la Chine.

Ne voulant pas aller ailleurs et sentant que quelque chose lui manque chez Adidas, elle quitte le groupe, poussée par Robert Louis Dreyfus, qui lui propose de monter avec lui un fonds d’investissement spécialisé dans le sport.

Le départ d’adidas est difficile et long, Sandrine a l’impression de «quitter son bébé», et même si de nouvelles aventures l’appellent, son départ d’adidas est une vraie déchirure.

Commence alors une période de flottement entre son travail au sein d’un fonds d’investissement dédié aux sports mais dont le financement et la structuration prennent du temps, et des opérations difficiles comme celle de la fusion de 4 retaillers chinois sur laquelle Sandrine travaille en parallèle. Le plaisir de l’équipe n’y est pas.

Elle est approchée un temps par un groupe chinois qu’elle rejoint pour réaliser son turnaround, mais elle a largement sous-estimé la difficulté de travailler dans un groupe local auprès du fondateur et cela ne se passe pas aussi bien qu’escompté. Elle quitte ce groupe moins d’un an après l’avoir rejoint et elle s’interroge sur le fait de postuler ou non dans une entreprise au lieu de développer sa propre activité.

Elle décide finalement de se positionner à Shanghai sur du conseil pour des entreprises qui souhaitent s’installer sur le marché chinois, mais, dans un premier temps, n’arrive pas à s’entourer des bonnes personnes, et s’interroge de nouveau.

20012 – 2015 Full Jet ou comment Sandrine retrouve l’aventure et le plaisir de l’entreprenariat.

En 2012, Sandrine configure Full Jet sous sa forme actuelle, avec pour mission de faire du conseil managérial et marketing en déploiement opérationnel de marques étrangères en Chine, tant offline qu’online (e-commerce, digital etc…).

Elle comprend maintenant quels sont les ingrédients clés de sa motivation au travail, qui sont très proches de celles vécues à adidas, et qu’elle a retrouvé chez Full Jet :

  • « c’est là que ça se passe »;
  • Etre entourée par une équipe professionnelle et soudée avec laquelle elle a plaisir à travailler;
  • L’ambition d’offrir un service professionnel de qualité;
  • Le développement et la réussite de l’entreprise

Il a fallu du temps et une période de flottement pour que Sandrine comprenne ce dont elle avait besoin pour prendre du plaisir à ce qu’elle faisait, mais elle a réuni de nouveau les ingrédients nécessaires à son développement professionnel et personnel chez Full Jet.

Apres 22 ans en Chine, son regard sur la Chine d’aujourd’hui :

Il est possible d’être nostalgique des années 1990 en Chine, les années de la découverte, où la Chine s’ouvrait sur un immense champ des possibles. Les contacts étaient plus francs et plus faciles, les chinois avaient un appétit de nouveautés venues de l’étranger incroyable, les gens étaient plus généreux de leur temps.

La Chine des années 2010 est une autre planète, plus stressée, plus pressée, une société moins pétillante et moins optimiste, et un marché beaucoup plus difficile.

Mais Sandrine conclue que malgré les difficultés, nous vivons certainement une époque de transition passionnante intellectuellement.

Ses conseils pour de jeunes entrepreneuses :

Il n’y a pas de modèle unique mais

  • soyez vous-même, ne renoncez pas aux valeurs qui vous définissent;
  • entourez-vous d’une équipe de confiance;
  • restez déterminée;
  • comprenez ce dont vous avez besoin pour prendre du plaisir à ce que vous faites.

Compte-rendu : Sarah Ouvray

Interview : Hélène Cochaux

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